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Picaut Céline

Picaut Céline

jeudi, 16 avril 2020 12:25

Hypothyroïdie et fibrillation atriale


Cet article présente le cas d’un jeune Rhodesian Ridgeback suivi pour une hypothyroidie primaire et une fibrillatrion atriale idiopathique.  

Anamnèse et commémoratifs :

Igar est un chien Rhodesian Rigdeback non stérilisé de 5 ans, suivi depuis l’âge de 3,5 ans pour hypothyroidie primaire, le diagnostic ayant été posé par un spécialiste en dermatologie (Igar ayant été référé pour problèmes de peau, notamment vascularite des pavillons auriculaires). Les contrôles sanguins réguliers de la T4 ont montré une bonne réponse au traitement mis en place (levothyroxine).

Il est référé en consultation de cardiologie à l’âge de 5 ans, pour un essoufflement à l’effort et une arythmie qui selon le vétérinaire traitant était déjà présente avant le diagnostic d’hypothyroidie.

 

Examen clinique :

Igar est en bon état général, on note même un léger embonpoint. L’examen général ne montre pas d’anomalie, l’auscultation cardiaque confirme la présence d’une arythmie avec une fréquence cardiaque d’environ 120 bpm, un pouls difficilement palpable, des muqueuses roses et un TRC<3s.

 

Examens complémentaires :

ECG papier Cf fig1 : il met en évidence des qRs « irrégulièrement irréguliers », une absence d’onde p avec trémulation de la ligne de base caractéristique d’une fibrillation atriale. La fréquence cardiaque au cours de l’examen est plus élevée qu’au début de la consultation (FC=160bpm). 

 

Examen échocardiographique :

L’examen 2D/TM ainsi que l’étude Doppler ne mettent pas en évidence de modifications hormis l’absence d’onde A mitrale (Cf fig 2), une variation des vitesses spectrales liées à l’arythmie et aux conditions de remplissage ventriculaire (Cf fig 3), cette arythmie étant également bien visible en TM transventriculaire et transmitral (Cf fig 4). Ces variations soulèvent toute la difficulté d’obtenir des mesures interprétables en cas de fibrillation atriale, et c’est pourquoi il convient de répéter ces mesures pour en faire une moyenne.

Ainsi l’échocardiographie n’a pas révélé de cardiopathie.

 

 

 

Diagnostic : Fibrillation Atriale isolée (absence de cardiopathie sous-jacente), on parle aussi chez les grandes races de chiens de fibrillation atriale idiopathique, la possibilité d’apparition de ce trouble rythmologique étant probablement lié à la grande taille de leur oreillette gauche (Westling J. 2008 ; Menaut P. 2005).

 

         

 

Traitement : Le traitement de la fibrillation atriale est fonction de l’objectif fixé : le contrôle du rythme (cardioversion) ou de la fréquence cardiaque. La cardioversion médicale ou électrique a pour but de restaurer le rythme sinusal. Elle concerne surtout la FA isolée sans cardiopathie sous-jacente et d’apparition récente. Dans notre cas où la FA est ancienne, l’objectif thérapeutique est donc le contrôle de la fréquence cardiaque (FC<140bpm) par des freinateurs nodaux (beta-bloqueurs, Calcium bloqueurs, digitaliques). L’amiodarone n’a pas été utilisée ici du fait de son action possible sur la thyroïde. Le choix s’est porté sur la digoxine (l’association digoxine - diltiazem devant être instaurée en cas de réponse insuffisante au traitement).

Par ailleurs chez des patients jeunes sans cardiopathie sous-jacente, le risque thromboembolique est faible et n’a donc pas fait ici l’objet d’une thérapeutique.

 

SUIVI :

 Igar est revu une dizaine de jours plus tard, il semble bien répondre au traitement puisque les propriétaires ne constatent plus d’essoufflement à l’effort, l’ECG ne montre pas d’autre trouble du rythme et la fréquence ventriculaire est de 140bpm (baisse d'environ 15%, un Holter ECG est conseillé pour mieux l'objectiver mais refusé).

Nous suivons maintenant Igar depuis 3 ans et chaque année, sont réalisés un examen clinique (commémoratifs, suivi du poids, auscultation et surveillance de l’apparition d’un souffle mitral en particulier), un ECG et une échocardiographie (le but de cette surveillance étant principalement de pouvoir détecter l’apparition d’une CMD éventuelle, Cf tableau fig 5). Le vétérinaire traitant contrôle par la même occasion la T4 et la digoxine plasmatique.

 

 

 

 

Ainsi dans notre cas, bien que certaines mesures soient en faveur d’une dilatation VG (distance ES et index de sphéricité), les volumes indexés restent corrects d’une année à l’autre. Par ailleurs la FEVG se maintenant au-dessus de 40%, aucun traitement supplémentaire n’a pour l’instant été mis en place, et Igar se porte toujours très bien d'après ses propriétaires. La relation entre l'hypothyroïdie et la fibrillation atriale n'est pas prouvée, il pourrait s'agir dans notre cas d'une coïncidence du fait de la prédisposition de cette grande race à ces deux pathologies. 

 

Pour en savoir plus : Vetofocus, avril 2020 : https://www.vetofocus.com//?c=site&sp=cas-clinique&rubrique=2&ccid=3894

 

mercredi, 20 février 2019 13:10

Maladie dégénérative mitrale

 

Neska est une chienne Bichon de 10 ans qui présente un souffle systolique apexien gauche de grade 4/6, sans symptômes associés. Bien qu’une maladie mitrale dégénérative soit probable (race, âge…), la propriétaire ne souhaite pas faire de traitement s’il n’est pas réellement nécessaire (coût, difficulté d’observance…etc). On réalise donc une échocardiographie doppler dans le but :

  • de confirmer la maladie mitrale
  • de préciser le stade ACVIM de la maladie (stade asymptomatique B1 ou B2 ?) pour décider de l’instauration ou non d’un traitement
  • de grader la fuite par différentes méthodes (quantitatives si possible), et d’objectiver certains facteurs pronostiques négatifs qui peuvent faire suspecter une évolution rapide.

 

1/Maladie valvulaire et stade

Une fuite mitrale primaire significative est objectivée et les mesures des cavités gauches montrent des remaniements (rapport protodiastolique OG/Ao>1,6 et diamètre VG en télédiastole normalisé par rapport au poids >1,7), il s’agit d’un stade B2 selon la convention ACVIM actuelle.

 

 

 

Cf fig : 1 abord droit petit axe : mesures Temps Mouvement transventriculaires. 

 

2/Fonction systolique

La fraction de raccourcissement FR et la fraction d’éjection FE du ventricule gauche sont dans les valeurs hautes, ce qui est souvent le cas dans les insuffisances mitrales et plutôt rassurant (une valeur normale/basse pourrait faire suspecter une baisse de contractilité intrinsèque de mauvais pronostic).

 

 

Cf fig 2 : abord gauche apicale 4 cavités : calcul des volumes selon la méthode Simpson biplan.

 

3/Sévérité de la fuite 

La fraction de régurgitation est ici de 68%, c’est à dire que sur 100 ml dans le ventricule gauche, 68 ml repartent vers l’oreillette gauche au lieu d’être éjectés dans l’aorte. Ce pourcentage caractérise une fuite assez importante et susceptible d’évoluer.

 

 

Cf fig 3 : abord gauche 4 cavités : mesure du rayon PISA pour le calcul du volume régurgité.

 

4/Fonction diastolique

Le but principal de l’étude de la diastole ici est d’évaluer l’élévation des pressions de remplissage du ventricule gauche qui prédisent l apparition des signes cliniques (OAP).

Cette évaluation est complexe et nécessite la prise en compte de nombreuses mesures. Ici ces mesures sont concordantes pour conclure à l’absence d’anomalie.

 

                              

 

Fig 4 : abord gauche Apicale 4 cavités, doppler continu pour l’estimation des pressions pulmonaires.

Fig 5 : abord gauche Apicale 4 cavités, doppler tissulaire pour le calcul du rapport E/E’.

 

Conclusion : Neska est au stade B2 de sa maladie mitrale et nécessite donc un traitement. La fuite est importante mais il n’y a pas de signe d’élévation des pressions de remplissage. Un suivi semestriel est donc suffisant mais des explications claires sont données au propriétaire. Une évolution aigue (rupture de cordage) est toujours possible, et la surveillance « à la maison au calme » de la fréquence respiratoire est primordiale. Une fréquence respiratoire pendant le sommeil supérieure à 30 voire 35 mouvements par minute (ou une augmentation brutale par rapport à la valeur habituelle) doit motiver une consultation rapide.

 

 

DISCUSSION :

Ce cas permet de faire un point sur les recommandations ACVIM actualisées récemment (Cf tableau) et illustre un des intérêts de l’échocardiographie dans la gestion d’une maladie valvulaire dégénérative.

L’étude EPIC (2016) s’est basée sur le recrutement d’animaux asymptomatiques présentant un souffle de grade ≥3/6, l’absence d’œdème à la radiographie thoracique et un VHS supérieur à 10,5 et pour lesquels l’échocardiographie à confirmer la maladie valvulaire mitrale et mis en évidence des remaniements cardiaques (dilatation de l’oreillette + / - ventricule gauche).

La période préclinique (stade B) est souvent de plusieurs années, d’où l’importance de savoir quand commencer à traiter ! Certains animaux avec une fuite mitrale minime ou modérée ne présenteront même jamais de symptômes ! L ‘étude EPIC a ainsi montré que traiter au pimobendane les animaux en stade B2 allongeait la période avant symptômes de 15 mois en moyenne. La caractérisation de ce stade B2 comme défini actuellement est facilement réalisable en échocardiographie.

 

Stade ACVIM

Clinique

Imagerie

Conduite à tenir

Stade A

Races à risque, asymptomatique

Pas de dilatation gauche

Sensibilisation du propriétaire

Stade B1

Asymptomatique,

Pas de dilatation gauche

Pas de traitement, Surveillance annuelle

Stade B2

Asymptomatique, SSAG ≥3 /6

Dilatation gauche, OG/AOtd ≥1,6

DIVGtd N≥1,7

ou VHS≥11,5

Pimobendane 0,25mg/kg/12h

Surveillance semestrielle

Stade C

Symptomatique, bonne réponse au traitement

congestion veineuse, épisode d OAP ;

Pimobendane, Furosémide, et ajout d’IECA/spironolactone en phase chronique. Surveillance trimestrielle.

Stade D

Symptomatique, réfractaire au traitement (notamment dose élevée de furosémide)

Idem C, chercher une hypertension pulmonaire HTAP

Torasémide amlodipine,

Sildenafil, amiodarone, digoxine, diltiazem...

 
     

vendredi, 28 décembre 2018 13:17

mucocèle et rupture des voies biliaires

 

 

Doia est une chienne croisée Labrit de 10 ans, amenée en consultation pour abattement marqué et vomissements aigus, l’examen clinique révélant un signe du flot avec douleur abdominale importante, une déshydratation et un léger ictère. La biochimie met en évidence une insuffisance rénale sévère et une élévation modérée des PAL .

 

Echographie

L’examen échographique confirme la présence d’ascite en quantité importante et d’aspect cellulaire. Une stéatite est visible surtout dans l’abdomen crânial. Un ileus diffus est présent, mais plus marqué au niveau du duodénum qui prend un aspect légèrement festonné (image 1). Le pancréas est épaissi à 1,5cm mais le parenchyme est relativement homogène. Dans le foie, on note la dilatation de la vésicule biliaire avec aspect caractéristique d’un mucocèle biliaire mature (boue compacte hyperéchogène et immobile au centre avec striations vers la périphérie de la boue qui s’insinue entre la mucine, on parle souvent d’aspect en « tranche de kiwi »). La paroi est relativement fine (2mm) mais difficile à visualiser dans son ensemble notamment au niveau du col et du canal cystique (image 2).

 

Une rupture des voies biliaires secondaire au mucocèle est probable. L’examen attentif de l’épanchement permet de mettre en évidence des fragments de mucocèle dans l’abdomen caudal (image 3). Une cytoponction est réalisée à ce niveau. Par ailleurs, bien que certaines études aient montré des associations statistiques avec les dysendocrinies telles que hypothyroidie ou hypercorticisme, l’examen des surrénales n’a pas montré ici d’anomalie (image 4).

 

 

Examen de l’épanchement

Le liquide est d’aspect trouble brun vert avec des particules en suspension. La cytologie révèle la présence de cristaux de sels biliaires, de nombreux polynucléaires très segmentés et de macrophages vacuolés, aucun germe n’est mis en évidence. La bactériologie confirmera que la péritonite biliaire est aseptique (facteur pronostique favorable). A noter que l’on aurait pu confirmer la rupture des voies biliaires par le dosage de la bilirubine dans l’ascite qui doit être deux fois supérieure à celui du plasma ;

 

Traitement

Les ruptures des voies biliaires sont des urgences chirurgicales, après avoir stabilisé la chienne (normalisation de l’insuffisance rénale due à l’état de choc), la chienne est référée et opérée dans la journée. Une rupture du canal cystique est présente, le traitement consiste en un retrait de la vésicule biliaire (cholécystectomie). Les complications péri et post opératoires sont assez fréquentes mais dans notre cas, Doia a bien répondu au traitement chirurgical et se porte aujourd’hui très bien. Le diagnostic précoce d’une rupture des voies biliaires et le traitement rapide sont des facteurs essentiels pour une issue favorable.

 

  

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